"Avec une même précision d'entomologiste, Paul-Armand Gette poursuit depuis 1970 une double recherche : l'une consacrée à la nature du paysage (flore, constituants géologiques et sédimentologiques, climats...) par le biais de repérages photographiques, de notes graphiques, de collectes d'échantillons, d'enregistrements, l'autre vouée à l'étude du modèle... par l'intermédiaire de travaux photographiques faisant voisiner des procédés les plus divers (images de photocopies, de polaroïds, de séquences vidéo...). Anne Tronche L'exposition Paul-Armand Gette ou de la diversité se déroule dans l'espace Faux Mouvement et se prolonge par des interventions ponctuelles au Jardin Botanique, aux Musées de la Cour d'Or et dans une vitrine du centre Saint Jacques. Des liens s'établissent dès lors entre l'espace dévolu à l'art contemporain et des espaces publics de Metz. Les éléments composant l'exposition se sont mis en place au fil des visites de Paul-Armand Gette à Metz. Les roches de la région - calcaire de Jaumont, roche volcanique (trapp) et alluvions de la Moselle, le musée et ses sculptures, le Jardin Botanique et ses serres semblaient à l'artiste de "beaux sujets" et les cinq personnes qui lui servirent de modèles créèrent naturellement des passerelles entre les différents lieux, entre les diverses thématiques. Ainsi le temps de l'exposition, cinq plantes des Serres de Collections du Jardin Botanique sont indexées par Paul-Armand Gette ; elles sont facilement identifiables par leur étiquette blanche marquée du logo 0 m (0 mètre). Ces plantes se retrouvent sous forme photographique dans l'espace Faux Mouvement. Aux Musées de la Cour d'Or, des photographies sont présentées en regard de sculptures qui ont inspiré l'artiste et son modèle. Ceux-ci se sont attardés sur "cette Isis qui avait perdu son hiératisme des bords du Nil en venant jusqu'ici, cette Victoire aux plis sculptés prolongeant le mont de Vénus" et sur une Vénus qui semble vouloir sortir de son petit carcan de pierre. Les références à ces sculptures apparaissent de manière évidente sur les murs de la salle d'exposition. Au Centre Saint Jacques, la stèle gallo-romaine indexée par le 0 m de Paul-Armand Gette rappelle au spectateur les sculptures du musée et la passion des plis de Jennifer. J'ignorais tout de cette ville, mais deux des roches les plus employées pour la construction de ses monuments et immeubles m'étaient familières : le grès rose des Vosges et le calcaire jaune si caractéristique de l'étage Bajocien. La première je l'avais côtoyée lors de mes recherches alsaciennes sans toutefois l'utiliser, bien que sa couleur, ce rose éteint qui tourne facilement à des violets ou des mauves pâles, ne pouvait me laisser indifférent étant donné certains de mes sujets. Quant à la deuxième, c'était presque un souvenir d'enfance, sa fréquence dans la construction lyonnaise me l'avais gravée dans l'oeil. Sur les bords de la rivière Saône elle constitue les Monts d'Or, ainsi nommés en raison de leur couleur, mais elle m'était aussi chère parce que, j'avais un temps, exploré ses fentes sidérolithiques à la recherche des restes fossiles de vertébrés tertiaires, Miocène je crois me rappeler. Dirais-je encore qu'elle était d'une teinte dans le voisinnage de celle des tufs napolitains qui m'avaient poussés à faire L'éloge du jaune de Naples. Il y avait aussi, plus au sud et à l'est de Nancy, le trapp de Raon-l'Etape qui fut à l'orignine de mes blocs/sculptures monumentaux. Je n'étais donc pas tout à fait dépaysé sur les rives de la Moselle. Pas de quoi étonner un auditoire mais enfin suffisamment pour me persuader que c'était là une occasion de revoir les superbes épanchements volcaniques de Raon, tout compte fait pas si éloignés, pour que l'espoir de les visiter reste de l'ordre du possible. Si l'art ne peut pas servir le plaisir il perd à mes yeux beaucoup de ses qualités ! Rien n'était gagné et je savais que mon temps ne serait pas exempt d'incertitude, mais cette assise minérale me rassurait. Un appel à d'éventuels modèles, s'avéra riche de possibilités après que cinq personnes se soient manifestées, chacune avec un enthousiasme qui me réconforta. Le temps avançant se mettaient en place les éléments qui composeraient cette exposition. Le musée et ses sculptures dont cette Isis qui avait perdu son hiératisme des bords du Nil en venant jusqu'ici, cette Victoire aux plis sculptés prolongeant le mont de Vénus me semblaient de beaux sujets, un peu anciens direz-vous, mais deux mille ans à côté des peut-être 400Ma de mes chères laves ou 170Ma des calcaires jaunes, c'était la jeunesse ! Alors quand on me parle du temps laissez moi rigoler. J'allais oublier, au Jardin Botanique, ornant un masif, juste devant la serre, cette déesse qui est-elle ? Une mutine Aphrodite venant de recevoir la pomme d'or des mains de Pâris, ou une coquine Pomone, la déesse des fruits et des jardins? Je vous laisse libre de choisir, les deux explications me réjouissent également. Je n'avais j'avais contemplé une utilisation du drapé aussi suggestive, généralement il cache ce que l'artiste veut montrer, ici ah! la belle franchise il ne cache rien du tout, reléguant les plis grecs ou romains dans la profondeur des temps révolus! Le sculpteur facétieux a fait voltiger le voile*, généralement dissimulateur des préciosités féminines, bien au-dessus de ce qu'il cache habituellement. La mignonne déesse ne dissimule rien de ce que l'oeil a envie de voir, enfin le mien. Comment ne pas féliciter les fonctionnaires responsables de la décoration des espaces publics de cette courageuse initiative en si grande harmonie avec le Jardin Botanique. Vous allez dire que pour un artiste d'aujourd'hui
je ne vous entretiens que du passé de l'art ou de la terre,
mais mes modèles, sont eux bien modernes, n'est ce pas
Caroline, Elysa, Jennifer, Joana et Laurence ? Quelle continuité
des laves de Raon aux Nymphes contemporaines en passant par les
calcaires Bajociens et les alluvions quaternaires de la Moselle.
Un peu mélangées mes propositions, peut-être,
mais quelle belle palette. Ce que rencontre notre oeil n'est
généralement pas séparé, c'est lui
qui sélectionne, alors vous n'avez qu'à faire la
même chose, vous êtes grands n'est ce pas, responsables,
vous votez comme me le lançait à la figure une
dame l'autre soir, justement à Metz, à l'entrée
du musée, alors vous savez choisir, mais l'art c'est plus
difficile que la politique et beaucoup moins dangereux, ou plus,
allez savoir. Vous pouvez aller admirer les déesses et les nymphes, elles sont charmantes, allez aussi visiter le Musée avec Caroline ou Jennifer, le Jardin Botanique avec Laurence, déjeuner sur l'herbe avec Elysa, regarder Joana tenir un galet de la Moselle, quaternaire en plus. On vous a raconté que ces histoires de nymphes, de fées, de déesses, c'était fini, terminé les merveilles. Quelle rigolade, c'est pour vous faire tenir tranquille, vous faire entendre des discours creux, des promesses, le ciel pourquoi pas pour demain, mourrez tout ira bien. L'art c'est aujourd'hui, le ciel je m'en fous, je ne suis pas un oiseau.
Paul-Armand
Gette
* d'ailleurs un voile ne peut guère faire autre chose dès qu'il y a un souffle d'air. |