Aujourd'hui, quatre rue du Change
A intervalles irréguliers, les CHOSES,
ou deux cent quatre vingt huit d'entre elles, comme c'est le
cas aujourd'hui, sont rassemblées avec soin pour être
données à voir. Elles sont tirées de leur
nuit pour une nouvelle mise à jour.
Ainsi, elles vont pouvoir se déployer et envahir l'espace
qui leur est offert durant cette halte, chacune d'entre elles
étant posée à sa juste place pour édifier
des combinaisons chaque fois renouvelées.
Durant cette station éphémère, avant d'autres
pérégrinations, les choses vont vivre cet événement
unique en ce lieu.
Aujourd'hui, et durant cinquante huit jours, les CHOSES sont
à Faux Mouvement à Metz, au soir du 10 avril, elles
retourneront à leur point d'attache, où elles seront
de nouveau en réserve dans l'attente d'une nouvelle destination.
Après cette pause, il ne me restera plus qu'à reprendre
cette activité précaire, sans cesse menacée,
toujours au bord du désastre, là où je l'avais
arrêtée. Mais cette tâche je ne peux la continuer
qu'avec difficulté sachant qu'il me faudra inlassablement
façonner de nouvelles pièces qui iront rejoindre
leurs aînées pour y être accueillies.
Sans doute, je l'avoue, face à la souffrance et à
la mort, il est vain de persister à servir ce qui ne sert
apparemment à rien. Pourtant je ne peux que poursuivre
sachant obscurément que je ne suis là que pour
cela : faire cette CHOSE, toujours la même, comme pour
me permettre d'occuper le temps qui m'est imparti dans la seule
compagnie des choses.
Bertholin, février 1999
Bertholin fabrique des "choses" "des
choses qui seraient une sorte de récipient où il
y aurait quelque chose de l'histoire des hommes et de moi-même".
Celles-ci semblent provenir d'une fouille archéologique
dans un pays mythique et onirique. Les "stèles"
installées dans l'espace rappellent quant à elles
quelque cimetière imaginaire ou vestiges d'une cité
engloutie. "Ses objets ne sont ni icônes, ni symboles,
ni emblèmes, ni attributs, ils sont des signaux qui doivent
se signifier eux-mêmes, ils sont une trace anonyme dont
la multiplication sérielle mais cependant différenciée,
balise une voie perdue".
Bertholin fabrique, modèle ses formes,
retrouve des gestes et des forces primitifs et essentiels. La
matière est ambigüe : bois ? pierre ? bronze ? Ce
qui semble lourd, massif, inusable est en réalité
léger et provisoire, fait de papier, de carton mouillé,
malaxé, collé, façonné et brulé.
"La fascination émanante des objets bertholinesques
nous oblige à les saisir et à transgresser ainsi
le statut de sacralisation de l'oeuvre d'art qui comme chacun
le sait, est à regarder et à ne pas toucher".
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