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La découverte de l'oeuvre s'effectue dans l'obscurité du lieu. Le projecteur est suspendu horizontalement au plafond à 2m30 environ au-dessus du sol. Il projette en continu l'image d'une grosse pierre sur le mur. Le projecteur a la possibilité technique de rechercher sans interruption la netteté de l'image. La grosse pierre passe d'une étape de représentation floue à une étape de représentation nette dans un mouvement alternatif et lent. Cette pierre se dissout dans le mur puis avance en basculant et en grossissant pour atteindre sa netteté. Ensuite la grosse pierre repart en arrière et le cycle recommence dans un perpétuel va-et-vient. Du fait de l'obscurité du lieu, le visiteur est confronté à une perception particulière de l'oeuvre. Car si le projecteur est réellement suspendu en l'air, la pierre apparaît aussi en suspension au-dessus du sol. Le visiteur se trouve nez à nez avec ce fragment de paysage, ce morceau du monde prêt à fondre sur lui. La présence du projecteur au-dessus de la tête du visiteur postule l'idée d'une réalité physique, celle d'une masse énergétique en tant que source productrice de lumière et d'éclairage possédant aussi certaines possibilités mécaniques et diffusant non seulement une image mais aussi un soufflement sonore dû à son système de ventilation, ainsi que celle d'un volume compact et pesant, sorte de bloc solide. Le projecteur évoque ici le luminaire céleste. Le rocher représente aussi l'image instable d'une masse lourde et dangereuse. La pierre projetée n'est pas statique, elle avance et recule comme un pendule. Elle bascule sur elle-même, amorçant un mouvement de rotation et semble se retenir d'une possible précipitation. Son balancement avant - arrière et réciproquement joue avec la profondeur de champ. La matérialisation du mur s'évanouit et se révèle être une immense vitre, un écran transparent. Le mouvement de la pierre en suspens est une respiration. Son rythme binaire toujours identique paraît être prisonnier d'un temps suspendu. Et si la masse pendulaire de la roche est en attente d'une précipitation, le visiteur est confronté à l'imminence de ce risque. La pierre est un projectile qui se déplace à la vitesse de la lumière. La violence du choc devrait être considérable. Bertrand Gadenne,1992 |
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